En direct de notre écosystème – Épisode 4

Au cœur de notre écosystème

Dans le précédent épisode de « Au coeur de notre écosystème » :

Vous avez découvert que les cellules pouvaient communiquer entre elles grâce à des vésicules extracellulaires. Vous avez appris l’influence du microbiote dans les maladies chroniques métaboliques ainsi que l’impact de ces dernières sur

les barrières d’organes.

Avant de lire cet article, n’hésitez pas à lire ou relire le premier article de la série.

Épisode 4 : Microbiote, asthme et allergies

Dans le premier article de la série, vous avez appris l’existence entre autres, du microbiote pulmonaire. Ce dernier se met en place dès la naissance et évolue jusqu’à environ 3 ans, pour se stabiliser par la suite. Le microbiote a trois rôles fondamentaux pour la santé : établir une barrière contre les bactéries pathogènes, interagir avec les cellules et le métabolisme des cellules de l’hôte et éduquer le système immunitaire.

Par conséquent, qui dit système immunitaire, dit réponse immunitaire. Aussi, une étude francojaponaise (Ohnmacht et al., 2015) montre que le microbiote intestinal régule indirectement les réponses immunitaires allergiques. Dès la naissance, et même avant durant la grossesse, notre environnement impacte l’évolution de notre microbiote.

C’est justement le sujet d’étude d’Eléonore Dijoux sous la direction du Pr Antoine Magnan, du Dr Gervaise Loirand (UMR1087 IT Institut du Thorax Inserm et Université de Nantes) et du Dr Grégory Bouchaud (UR1268 BIA INRAE) dans le cas de l’asthme et des allergies respiratoires.

Asthme et allergies respiratoires

L’asthme est une maladie que nous connaissons tous et toutes, il doit être prise au sérieux car plus de 300 millions d’asthmatiques sont recensé·es dans le monde, environ 4 millions de personnes en France. Il est responsable chaque année de près de 60 000 hospitalisations dont 38 000 pour les personnes de plus de 15 ans et presque 1 000 décès dans l’hexagone.

Cette maladie inflammatoire chronique est caractérisée par une hyperréactivité des bronches qui entraîne des difficultés respiratoires, une inflammation et une hypersécrétion bronchique. L’asthme se manifeste par des crises, typiquement des épisodes de gêne respiratoire (essoufflement), de respiration sifflante, de toux sèche ou de sensation d’oppression dans la poitrine. Les crises peuvent durer de plusieurs minutes à quelques heures. Elles peuvent être déclenchées par des allergènes et un emballement de notre système immunitaire : 70% des asthmatiques présentent un asthme allergique.

Un petit point défi nition s’impose. Dans le cas d’une allergie, le système immunitaire s’emballe alors qu’il ne devrait pas. Le système immunitaire, c’est l’ensemble des mécanismes complexes qui s’affairent à différencier le soi du non-soi, c’est-à-dire ce qui nous constitue ou non.

Il est entre autre éduqué par le microbiote et les molécules que ce dernier produit tout en étant influencé par les différents facteurs génétiques et épigénétique de la personne.

Aussi, les conditions environnementales dans lesquelles se développent les cellules jouent un rôle sur l’efficacité du système immunitaire. Par exemple, la pollution est un élément qui fait partie de notre environnement et qui accentue la probabilité de rendre notre système immunitaire moins tolérant. Ce que nous entendons par « le soi », ce sont les molécules qui nous appartiennent.

Tolérance du sytstème immunitaire

Le système immunitaire accepte tout de même certains éléments comme les aliments que l’on ingère (sauf en cas d’intoxications ou d’allergies alimentaires). À la naissance, chaque individu·e possède des cellules immunitaires prêtes à sévir, on les appelle : système immunitaire inné.

Aussi, au cours des premières années de la vie (environ jusqu’à 7 ans), notre système immunitaire évolue, apprend et se stabilise en fonction des éléments pathogènes ou non rencontrés pendant l’enfance et/ou des visites forcées par exemple lors de vaccination. Lorsque nos cellules protectrices se trouvent face à face avec un élément étranger, elles doivent décider s’il est dangereux. Si la réponse est oui, alors notre organisme s’affaire à l’éliminer par différentes réactions comme lorsque nous éternuons ou que nous développons de la fièvre, etc.

Une allergie est une hypersensibilité de l’organisme à un élément pourtant inoffensif chez la plupart des personnes. Ces allergènes sont présents dans notre environnement, dans l’air, l’alimentation, l’eau, etc. Les symptômes d’une allergie peuvent être multiples, de la simple démangeaison à la crise d’asthme, tous sont contraignants.

L’asthme allergique est donc une conséquence possible, une réaction du corps face à un élément allergène.

L’asthme non-allergique, à la différence du précédent n’est donc, par définition, pas causé par un allergène. Les crises peuvent être causées par une infection bactérienne ou virale contaminant les voies respiratoires ou encore lors de la pratique d’une activité sportive (asthme d’effort).

Malheureusement, il n’existe pas encore de traitement curatif de l’asthme. Certaines prises en charge permettent aux personnes asthmatiques de vivre avec, en limitant l’inflammation des bronches et en freinant les crises avec un traitement, dit « de crise ». Il existe néanmoins des traitements de fond qui visent à espacer et prévenir les crises comme ceux par exemple à base de corticoïdes prescrits par des médecins.

Le projet d’Eléonore Dijoux s’inscrit dans ce deuxième axe dans l’objectif de comprendre comment l’asthme allergique se développe. Pour ce faire, elle étudie les caractéristiques moléculaires et physiologiques de l’asthme afin d’en déterminer et d’en comprendre la diversité et les mécanismes de sensibilisation à l’allergène.

Différentes sensibilités, différentes sensibilisations

Pour comprendre comment l’asthme allergique se développe, il faut dans un premier temps identifier l’origine du contact avec l’allergène. Prenons le cas de l’allergie à l’acarien, et plus précisément à certaines protéines composant ses excréments (ses fèces en langage scientifique). Ces protéines peuvent entrer en contact avec différentes voies de sensibilisation de notre corps à savoir, la peau, le nez ou encore la bouche. Cette première étape est nommée sensibilisation. C’est à ce moment-là que les cellules de notre système immunitaire entrent en contact avec la protéine et décide de la laisser passer ou de réagir pour la détruire. Si cette protéine est inoffensive et que les défenses de notre organisme la combattent, il s’agit d’une surréaction de notre système immunitaire, c’est alors une réaction allergique.

Une sensibilisation à un ou plusieurs allergènes a lieu lorsque notre système immunitaire manque de tolérance. C’est-à-dire, lorsqu’il fait la différence entre le soi et le non-soi mais assimile la molécule étrangère comme dangereuse ou néfaste pour le corps. Hors, par exemple, le pollen n’est initialement pas délétère pour notre organisme. En fonction de l’éducation du système immunitaire, dont nous avons parlé précédemment, il y a des réactions différentes.

De nombreuses hypothèses découlent de ce raisonnement. Les voies de sensibilisation ont-elles une influence sur la sévérité ou le développement d’un asthme allergique ? Le microbiote est-il impacté par cette sensibilisation ou en est-il responsable ? Comment le microbiote et le système immunitaire communiquent ? La réponse immunitaire est-elle différente selon la voie de sensibilisation ? Autant de questions qu’a pu se poser Eléonore Dijoux au cours de sa thèse.

Pour résoudre ces énigmes, la doctorante a réalisé des expériences en différenciant les voies de sensibilisation (la peau, le nez, la bouche) et en a étudié les effets sur le système immunitaire ainsi que sur les microbiotes et les barrières des organes pulmonaires et intestinaux. En compilant tous ses résultats, elle espère mettre en évidence l’implication des voies de sensibilisation physiologiques sur l’aggravation de l’asthme.

Enfin, dans un autre axe de sa thèse, Eléonore Dijoux s’intéresse aux effets d’un microbiote perturbé sur la sévérité de l’asthme allergique.

Allergies respiratoire et alimentaire : liées ?

Dans une dernière partie de son projet, Eléonore Dijoux veut aller encore plus loin en étudiant l’allergie alimentaire.

Pourquoi me direz-vous ? Quels sont les points communs, mis-à-part que ce sont toutes les deux des allergies. Voici une partie de la réponse : de récentes études ont démontré que la présence d’allergie alimentaire était responsable d’une aggravation de l’asthme chez des personnes ayant des prédispositions à développer des allergies (atopie).

Dans ce contexte, et basé sur ses travaux ainsi que l’aide précieuse de stagiaires, Eléonore Dijoux développe de nouvelles expériences qui ont pour objectif de déterminer l’influence du microbiote sur la progression de l’allergie alimentaire vers l’allergie respiratoire. Pour étudier l’éventuel lien de cause à effet du microbiote, elle utilise une technique de transplantation fécale de microbiote.

Pour ce faire, elle recueille les selles de souris présentant une allergie puis les transfert chez des rongeurs sains. Si ces derniers développent une allergie, cela indiquera que le microbiote joue bel et bien un rôle dans l’initiation de la sensibilité allergique. De nouveaux travaux pourront développer et préciser ce lien par la suite.

Les résultats ne sont pas encore disponibles mais cette hypothèse nous rappelle tout de même l’importance de ne pas oublier que l’intégralité des éléments de notre corps sont interconnectés.

La suite, dans le prochain épisode de « Au coeur de notre écosystème ».

Les infos à retenir : 

Différents facteurs peuvent être source de développement d’allergies : génétiques, épigénétiques et environnementaux comme la pollution. Différentes voies de sensibilisation allergique sont possibles : bouche, nez, peau. Dans sa thèse, Eléonore Dijoux étudie le comportement du système immunitaire selon les voies de sensibilisation initiant le développement de l’asthme allergique.

Enfin, elle tente de faire du lien entre allergies alimentaires et respiratoires.

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Quiz épisode 4

Après avoir lu l'épisode, tentez de répondre aux questions ci-dessous pour tester vos connaissances.

1 / 4

1. Vrai ou faux, notre système immunitaire dépend uniquement de nos gènes ?

2 / 4

2. Lequel de ces symptômes n'est pas causé par l'asthme ?

3 / 4

3. Dans le cas d'allergies aux, nous sommes en réalité allergiques :

4 / 4

4. Par quelle "voie de sensibilisation" ne pouvons-nous pas développer d'allergie ?

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Pour aller plus loin : 

Illustration réalisée par Julie Borgese