En direct de notre écosystème – Épisode 2

Au cœur de notre écosystème

Dans le précédent épisode de « Au coeur de notre écosystème » :

Vous avez découvert ce que sont les microbiotes, les barrières d’organes ainsi que l’existence de diverses interactions opérant à leurs frontières. Également, vous avez eu un premier aperçu de l’équilibre maintenu par notre organisme, parfois mis à mal.

Avant de lire cet article, n’hésitez pas à lire ou relire le premier article de la série.

Épisode 2Perturbations des interactions microbiote intestins, le stress suspecté

Mieux comprendre les interactions entre les milliards de bactéries du microbiote et l’hôte nécessite de générer beaucoup de données, surtout en utilisant les technologies dites « omiques ». Ces dernières peuvent nous permettre d’identifier plusieurs types de molécules de notre corps. On parle ainsi de génomique lorsqu’il s’agit de l’ADN des organismes hébergés, de protéomique pour l’identification des protéines ou encore de lipidomique pour les lipides et d’autres encore. Prenons l’exemple de l’étude de l’ADN des bactéries dans notre microbiote. La technologie utilise le séquençage pour obtenir des lectures des acides nucléiques (ou ADN) des communautés complexes de microorganismes composant ce microbiote.

Imaginez un tableau Excel de plus d’un million de cases en longueur comme en largeur. Personne n’a envie de le lire, et encore moins d’en tirer des statistiques, des informations ou des conclusions.

C’est pourquoi, la bioinformatique existe !

La bioinformatique, de quoi parle-t-on ?

La bioinformatique est une discipline récente (moins de 30 ans) développant de nouveaux algorithmes, méthodes et outils informatiques indispensables à l’analyse des données générées en masse pour la biologie. Ces derniers permettent d’analyser des données biologiques compilées lors d’expérimentations diverses afin de mieux modéliser et comprendre les systèmes vivants.

Les bioinformaticien·nes utilisent et développent si besoin les outils nécessaires permettant de répondre aux questions des biologistes. L’accès à ces quantités de données à l’échelle moléculaire est relativement nouveau et extrêmement dense ; ces modèles informatiques intégrant ces données génèrent des interrogations et hypothèses qui peuvent guider par la suite les biologistes dans leurs recherches.

Avec la thèse de Johanna Zoppi sous la direction du Dr Michel Neunlist (UMR1235 TENS Inserm Université de Nantes), du Dr Patricia Parnet (UMR1280 PhAN INRAE Université de Nantes) et du Dr Samuel Chaffron (UMR6004 LS2N CNRS Université de Nantes), nous verrons qu’une hypothèse peut faire avancer l’informatique en même temps que la recherche en biologie.

Illustration réalisée par Julie Borgese

MiBiOmics, quand l’informatique rencontre la biologie

Le travail de Johanna Zoppi avec la création d’une application bioinformatique répond à la demande d’intégrer simultanément différents jeux de données pour en analyser les liens de corrélation. MiBiOmics est une application disponible sur le web qui permet d’intégrer trois jeux de données et de les associer entre elles.

Arrivé·es à ce stade, vous vous demandez sûrement quels genre d’informations sont étudiées avec cet outil ?

L’idée est de pouvoir intégrer des données biologiques correspondant à différentes échelles d’études des paramètres physiologiques de l’individu.

Par exemple, nous nous intéressons à des données macroscopiques de la personne elle-même, comme son poids, son âge, sa taille, son sexe ; des données sur son comportement, son caractère, son état psychologique qui peuvent être quantifiées par divers tests, etc. Il est ensuite possible de descendre d’un niveau et d’intégrer des données de fonctionnement des organes, comme par exemple la perméabilité de l’intestin, ou encore l’efficacité du transit. Une fois récoltées, elles peuvent être encore affinées en passant à l’échelle cellulaire pour observer les informations de la barrière intestinale ainsi que son fonctionnement et analyser les protéines de jonction par exemple. Enfin, si nous changeons encore une fois d’échelle, il est possible d’étudier les bactéries et autres composants de notre microbiote, mais aussi les gènes de leur hôte.

Il s’agit ainsi d’une exploration « multi-omique ».

Pour cela, Johanna Zoppi a créé une interface très didactique qui permet aux biologistes de pouvoir faire par sois-mêmes ses analyses. Elle-même utilise son application pour étudier les liens entre stress, déséquilibres du microbiote et tube digestif.

Le stress n’épargne personne

De nombreux facteurs environnementaux influencent l’équilibre microbien et la réponse immunitaire de l’hôte.

Le stress peut être l’un de ces facteurs.

Vous avez sûrement déjà ressenti des désagréments intestinaux alors que vous êtes coincé·es dans les embouteillages ou que vous vous apprêtez à passer un entretien important. Bénéfique à petite dose, l’exposition chronique au stress est reconnue pour être un facteur aggravant dans le développement et l’évolution de maladies chroniques.

Dans sa thèse, Johanna Zoppi s’interroge sur les interactions entre le microbiote, l’intestin et le cerveau, et questionne l’effet du stress sur ce trio. Son travail permettra de mettre en lumière les interactions entre un microbiote déséquilibré à cause du stress et l’installation ou l’aggravation de maladies chroniques.

Pour ce faire, Johanna Zoppi étudie différentes données biologiques. Elle analyse principalement l’état de la barrière intestinale et sa perméabilité, ainsi que l’expression des gènes dans les cellules épithéliales.

De plus, elle étudie la composition bactérienne contenue dans l’intestin en ayant accès à un gène spécifique.

Dans son projet, elle a fait le choix d’étudier les bactéries se situant dans deux environnements différents : les bactéries luminales, celles qui se trouvent dans le centre du tube digestif, dans « la lumière de l’intestin », et les bactéries adhérentes, celles qui se trouvent dans le mucus, en contact avec la paroi de notre tube digestif.

Illustration réalisée par Julie Borgese

Ces données sont récoltées à différents niveau du tube digestif qui n’ont pas les mêmes caractéristiques.

Par exemple la quantité de bactéries par microlitres est nettement supérieure dans la partie basse du tube alors que l’oxygène y est presque absent.

Comme vous pouvez le deviner, toutes ces analyses génèrent une grande quantité de données qui n’est pas analysable par un·e humain·e, particulièrement, en moins de trois ans de thèse.

C’est pourquoi, Johanna Zoppi a d’abord créé MiBiOmics qui permet d’analyser et de comparer les données précédemment citées.

Microbiote-Intestin-Cerveau

Est-il évident qu’il y a un lien entre le microbiote, l’intestin et le cerveau ?

Oui, mais pas forcément comme nous l’imaginons. La bioinformatique a permis de mettre en évidence que certains paramètres de la barrière épithéliale intestinale différaient entre l’étude faite à un moment donné d’une souris saine versus celle d’une souris stressée. Quels mécanismes s’opèrent pour passer d’un état à l’autre ? Répondre en partie à cette question est tout l’enjeu de la deuxième partie de la thèse de Johanna Zoppi. Pour cela, elle a formulé une hypothèse expliquant ce qu’elle observe et a construit une expérimentation permettant d’y répondre, favorablement ou non, en utilisant des lignées cellulaires et des organoïdes. Si vous patientez un peu, ces modèles d’étude du vivant in vitro n’auront plus aucun secret pour vous après avoir lu l’épisode 6.

Ses résultats ne sont pas encore tous disponibles, mais elle a déjà réussi à savoir que la réponse au stress est différente selon les régions du tube digestif. Par exemple, dans le côlon, le stress psychologique induit des changements dans la composition des bactéries du microbiote et de la perméabilité de la barrière épithéliale. Aussi, il existe assurément des effets du microbiote sur le cerveau, en passant par l’intestin et son système nerveux. Des chercheur·es ont observé que des altérations du microbiote dans l’enfance pourraient participer au développement de troubles du spectre autistique, ou encore qu’il pourrait modifier le fonctionnement des centres régulateurs de la prise alimentaire en lien avec le sentiment de satiété. Il peut aussi être impliqué dans le développement des maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

Notre microbiote est donc précieux, et en prendre grand soin est primordial. Quelles pistes sont à explorer pour prétendre à un microbiote en bonne santé ?

C’est ce que vous découvrirez dans le prochain épisode de « Au coeur de notre écosystème ».

Les infos à retenir : 

Johanna Zoppi a développé une application d’analyse bioinformatique permettant aux biologistes d’être en mesure d’étudier leurs données.

Aussi, elle montre que le stress agit sur notre système digestif de façon spécifique en apportant de nouveaux éléments de compréhension sur l’effet d’un stress chronique aigu sur notre microbiote et la barrière épithéliale intestinale.

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Quiz épisode 2

Après avoir lu l'épisode, tentez de répondre aux questions ci-dessous pour tester vos connaissances.

1 / 4

1. Que sont les technologies omiques ?

2 / 4

2. La bioinformatique c'est :

3 / 4

3. Où se situent les bactéries luminales ?

4 / 4

4. MiBiOmics, l'application créée par Johanna Zoppi permet :

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Pour aller plus loin :

Article en anglais :

Illustration réalisée par Julie Borgese