En direct de notre écosystème – Épisode 5

Au cœur de notre écosystème

Dans le précédent épisode de « Au coeur de notre écosystème » :

Vous avez découvert que le microbiote participe à la régulation de notre immunité et qu’il se met en place et évolue dès notre naissance pour se stabiliser autour de 3 ans. Le système immunitaire est un assemblage complexe et unique à chaque individu, tout comme l’empreinte microbienne. Tout deux sont influencés par des facteurs génétiques et épigénétiques mais ils s’adaptent aussi en fonction de l’environnement.

Avant de lire cet article, n’hésitez pas à lire ou relire le premier article de la série.

Épisode 5 : Se nourrir, nourrir son microbiote

Quelles sont les origines d’une maladie chronique ? Contrairement aux affections aiguës telles des infections virales, les maladies chroniques durent à long terme et évoluent lentement. Ces affections mettent longtemps à s’installer et bien souvent les malades ne présentent pas de symptômes avant plusieurs années.

Ces maladies chroniques de l’adulte pourraient avoir une origine précoce dès le stade foetal. C’est le concept de l’origine développementale de la santé et des maladies (DOHaD).

Certain·es scientifiques essaient donc de déterminer l’origine du développement de ces maladies chroniques afin de comprendre pourquoi, comment et quand un·e individu·e en prendra la direction. En caractérisant ces facteurs, l’objectif est de pouvoir proposer des solutions thérapeutiques et surtout des stratégies préventives.

De nombreuses recherches tendent à montrer qu’il existe un lien entre une exposition à des facteurs environnementaux (pollution, alimentation, génétique, stress, etc.) au cours des 1000 premiers jours de vie (de la conception aux deux ans de l’enfant) et la survenue d’une maladie chronique. Ces recherches suggèrent notamment que c’est à ce moment-là que les composants du microbiote, du système immunitaire et du métabolisme de l’hôte peuvent être modulés et interagir différemment pour protéger ou provoquer ces maladies. L’idée est donc de pouvoir agir très tôt sur ces composants grâce à l’alimentation afin de prévenir ces maladies ou dysfonctions éventuelles.

C’est justement à cette interaction alimentation/santé que s’intéresse Amélie Lê dans sa thèse sous la direction du Dr Malvyne Rolli-Derkinderen (UMR 1235 TENS Inserm Université de Nantes) et du Dr Marie Bodinier (UR 1268 BIA INRAE). Son projet de thèse a pour but d’analyser si un changement du microbiote intestinal par l’alimentation pendant la gestation de la mère peut modifier le développement de Maladies Inflammatoires Chroniques des Intestins (MICI) chez sa descendance dans un modèle animal. Son hypothèse de départ est que l’administration d’un mélange de fibres comme les prébiotiques chez la mère va protéger de la survenue d’inflammations du côlon (colites) chez la descendance.

Les MICI, que sont-elles ?

Avant d’aller plus loin, un point définition s’impose. Les Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI) regroupent la Maladie de Crohn (MC) et la RectoColite Hémorragique (RCH). Elles sont caractérisées par un défaut du fonctionnement de la barrière épithéliale intestinale et du système nerveux entérique, une altération de la composition du microbiote et un dérèglement du système immunitaire qui cause une inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, dans le cas de la MC ou uniquement du rectum et/ou une partie du côlon pour la RCH. Ces maladies évoluent sous la forme de poussées inflammatoires de durée et fréquence variable d’un·e patient·e à l’autre. En 2018, on dénombre plus de 230 000 personnes prises en charge pour des maladies inflammatoires chroniques intestinales dont 55% de femmes.

L’épidémiologiste David Barker fait apparaître, grâce à ses travaux (Barker, 2004), l’idée que l’alimentation de la mère et son état métabolique peuvent influencer la santé de sa descendance. Ce phénomène a lieu en agissant directement dès le stade foetal, ce qui créerait alors un terrain favorable ou défavorable à l’apparition de certaines maladies métaboliques. On appelle empreinte nutritionnelle l’impact de notre alimentation sur la santé de nos futurs enfants, voire petits-enfants. Des chercheurs associés au projet ont montré que l’ajout de prébiotiques à la nourriture (supplémentation) de souris gestantes puis allaitantes a protégé les souriceaux contre le développement d’une allergie aux protéines de blé induite après sevrage. C’est ainsi qu’est née l’hypothèse d’Amélie Lê qui se pose la question de l’effet d’une supplémentation en prébiotiques chez les souris gestantes pour prévenir l’apparition de colites.

Un prébiotique, kézako ?

Imaginez votre population intestinale telle une pelouse verdoyante.

Quand tout va bien, l’herbe est verte et fraîche, quelques pâquerettes poussent çà et là. Tous les éléments sont en symbiose. Mais il arrive parfois que des éléments connus ou non, visibles ou non viennent nuire à cet état. Par exemple, s’il pleut trop ou pas assez, ou encore si les précédent·es habitant·es du jardin ont décidé de traiter avec un très fort désherbant. Vous vous retrouvez alors avec une pelouse parsemée, qui n’a plus rien de vert et encore moins de pâquerettes. La pelouse est alors déséquilibrée, état que l’on nomme dysbiose dans le cas d’un microbiote.

S’offrent alors à vous plusieurs solutions. La première, qu’on pourrait comparer à la prise de probiotiques, correspond à ajouter de nouvelles graines sur les parties abîmées pour les refleurir. La seconde option serait de tout arracher et de recommencer en étalant à nouveau des rouleaux de pelouse, l’équivalent d’une transplantation fécale pour notre microbiote. Enfin, la troisième option, celle sur laquelle travaille Amélie Lê est de prévenir plutôt que de guérir. L’idée serait d’ajouter de l’engrais régulièrement sur la pelouse, de l’entretenir en en prenant bien soin pour ne pas arriver à un état de non-retour.

Pour notre microbiote intestinal, cela correspondrait à se nourrir avec des prébiotiques.

Les prébiotiques sont des substrats que l’on retrouve dans l’alimentation, notamment dans les fruits et les légumes.

Ils sont spécifiquement utilisés par les microorganismes de l’hôte. C’est un peu comme de la nourriture pour notre microbiote. La pomme que vous avez dévorée dans l’épisode 1 devient le repas des bactéries de votre intestin. De nombreuses réactions chimiques ont lieu qui transforme les molécules ingérées en d’autres molécules réutilisées par nos diverses cellules. On appelle métabolisation la transformation biochimique d’une substance dans un organisme vivant au cours du métabolisme. La pomme avec ses prébiotiques ingérées, ainsi transformées en diverses molécules peuvent entrer en contact avec notre barrière intestinale et notre système immunitaire.

La mission d’Amélie Lê est d’étudier leur impact sur le développement d’une maladie sur un modèle animal, donc ici, chez la souris.

Cinq fruits et légumes par jour…

Les prébiotiques sont un moyen d’enrichir certaines bactéries du microbiote mais les résultats d’Amélie Lê ne sont pas encore disponibles. Rappelons tout de même que si vous vous posez des questions sur la bonne manière de vous alimenter, la réponse reste avant tout de demander conseil à votre médecin.

Toutes les bactéries ne se nourrissent pas des mêmes éléments, ainsi certains aliments, ou prébiotiques, peuvent favoriser la croissance de bactéries pro-inflammatoires ou celles qui ont une activité anti-inflammatoire, par exemple.

C’est pour cela que des projets de recherche ont lieu, testant différents prébiotiques dans diverses pathologies. Ainsi, les hypothèses scientifiques posées peuvent être validées ou invalidées.

En effet lorsqu’un·e chercheur·e propose une hypothèse, c’est bel et bien une question ou un groupe de questions auxquelles il ou elle va tenter de répondre grâce à des expérimentations. Si celles-ci montrent une hypothèse de départ invalidée, cela reste une avancée tout de même, comme lorsque nous répondons par la négative à une question, nous y répondons dans tous les cas. Une hypothèse n’est pas synonyme de vérité mais de tentative de compréhension. Et finalement, les vérités scientifiques sont les hypothèses qui résistent le plus dans le temps.

La suite, dans le prochain épisode de « Au coeur de notre écosystème ».

Les infos à retenir :

Les MICI sont des Maladies Inflammatoires Chroniques Intestinales comme la Maladie de Crohn ou encore la RectoColite Hémorragique caractérisées par une inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif. Les prébiotiques sont des substrats que l’on retrouve dans l’alimentation, notamment dans les fruits et les légumes qui sont utilisés comme de la nourriture par certains organismes de notre microbiote. En changeant notre microbiote, à différents stades de la vie, on pourrait protéger ou favoriser l’apparition de maladies chroniques.

Une hypothèse scientifique peut être validée ou non, dans les deux cas, une réponse à la question est apportée.

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Créé le

Quiz épisode 5

Après avoir lu l'épisode, tentez de répondre aux questions ci-dessous pour tester vos connaissances.

1 / 4

1. Pourquoi faire des recherches sur l'origine de la santé et des maladies (DOHaD) ?

2 / 4

2. Quelle maladie ne fait pas partie des MICI ?

3 / 4

3. Où trouve-t-on des prébiotiques ?

4 / 4

4. L'utilisation de prébiotiques revient à :

Votre note est de

The average score is 92%

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Pour aller plus loin :

Illustration réalisée par Julie Borgese