En direct de notre écosystème – Épisode 6

Au cœur de notre écosystème

Dans le précédent épisode de « Au coeur de notre écosystème » :

Dans l’épisode précédent, nous avons parlé du rôle de l’alimentation sur la modulation de notre corps. Vous avez aussi découvert la notion de métabolisme, qui désigne toutes les réactions chimiques se déroulant à l’intérieur des organismes vivants.

Avant de lire cet article, n’hésitez pas à lire ou relire le premier article de la série.

Épisode 6 : Corps humain et microbien, en contact direct avec son environnement

Dans les sols aussi, un processus métabolique a lieu. Les molécules qui se trouvent sous nos pieds sont aussi transformées ou dégradées par les conditions physiques (pH, températures, interactions avec le sol et ses organismes).

À ce propos, il existe des micro-organismes ayant un effet bénéfique ou délétère et d’autres qui n’ont aucun impact. Ces micro-organismes tels que les bactéries ou les champignons métabolisent naturellement beaucoup de molécules. S’ils dégradent complètement certains éléments toxiques, comme des pesticides, en produits non toxiques, on considère alors qu’ils ont un effet bénéfique.

Dans d’autres cas, les métabolites des pesticides sont plus résistants et semblent parfois plus nocifs. Il faut garder à l’esprit que la même famille de bactéries peut-être à la fois neutre, bénéfique et délétère, tout dépend des molécules surveillées qu’elles dégradent. Ces résidus, nous pouvons les ingérer lorsque nous mangeons ou buvons. Et tout comme dans le sol, ils peuvent avoir des effets neutres, bénéfiques ou délétères sur notre santé.

C’est le sujet sur lequel travaille Aurélie Loussouarn dans le cadre de sa thèse, sous la direction du Dr Axelle Renodon-Cornière (UMR1232 CRCINA Inserm et Université de Nantes) et du Dr Maxime Mahé (UMR1235 TENS Inserm et Université de Nantes). En effet, elle étudie les effets de polluants sur les dysfonctionnements de la barrière intestinale, pouvant être impliqués dans la survenue de pathologies chroniques, en utilisant des méthodes alternatives innovantes.

Du champ au verre d’eau

Souvenez-vous de vos jeunes années et revenons en primaire pour parler du cycle de l’eau.

Non, vous ne rêvez pas, c’est bien ici que tout commence.

Imaginez, un·e agriculteur·trice traite son champ avec des pesticides pour assurer sa prochaine récolte. Pas de chance, il pleut juste après. L’eau entre alors dans la terre, emportant avec elle tous les éléments épandus, dont les pesticides. Par ruissèlement, le mélange se retrouve dans les cours d’eau et s’infiltre ensuite jusque dans les nappes phréatiques. Régulièrement, l’eau de certaines nappes phréatiques ou rivières est récupérée et filtrée dans une station de traitement, où l’on effectue un grand nombre d’analyses, avant de rejoindre le circuit d’eau potable de nos habitations.

Hélas, les résultats montrent qu’il y a une forte concentration en pesticides dans la majorité des analyses.

Bien que certains pesticides ne soient plus utilisés sur les terres agricoles depuis des années, les analyses de l’eau montrent leur persistance et ce, malgré tous les efforts déployés pour les éliminer des sources nous approvisionnant. Cette eau entre dans le circuit, se retrouve dans nos verres, dans notre douche, dans l’arrosage des cultures, etc. Indubitablement, nous buvons des pesticides.

Comme vous l’avez compris au fil des épisodes précédents, lorsque la barrière intestinale est altérée, un ensemble de molécules supplémentaires peuvent rejoindre les autres organes par le biais de la circulation sanguine.

Les risques sont d’augmenter le niveau d’inflammation et engendrer diverses maladies comme les maladies chroniques. Celles-ci peuvent être plus ou moins graves et invalidantes et représentent 36 millions de décès dans le monde chaque année. Il existe donc un réel enjeu sociétal quant à l’étude de l’origine de ces maladies.

Dans ce contexte, Aurélie Loussouarn fait partie des jeunes chercheur·es qui étudient des facteurs environnementaux aggravants : les xénobiotiques qui sont les molécules étrangères à notre corps.

Vous l’aurez deviné, Aurélie Loussouarn travaille sur les pesticides.

Pour ce faire, elle a commencé par analyser les différents polluants retrouvés dans les eaux de la Loire, en région Pays de la Loire pour en faire ressortir sept.

Pour ce faire, elle a dû mettre en place différents critères de choix, comme leur fréquence de détection, leur concentration ou encore notre capacité à les retirer après captage dans les stations de filtrage.

Rassurez-vous, testés un par un, les pesticides étudiés ne montrent aucun effet délétère sur la barrière intestinale des modèles employés. En revanche, ils peuvent avoir un impact lorsqu’ils sont associés ensemble et c’est sur ce point que continue de travailler Aurélie Loussouarn.

1+1 = cocktail

Il est retrouvé dans l’eau non pas une, mais plusieurs traces de pesticides, et on peut identifier plusieurs métabolites issus de ces derniers. Alors que les différents minéraux contenus dans l’eau sont absorbés et indispensables à notre corps, qu’en est-il de ces molécules-là ?

Dans le cadre de sa thèse, Aurélie Loussouarn a dû faire le choix de n’étudier que deux molécules appartenant à la catégorie des herbicides. De ces dernières, elle détecte une partie de leurs métabolites présents dans les sols, au nombre de 5, et observe aussi bien leurs effets toxiques sur les cellules entériques que sur la barrière intestinale.

Afin de ne rien laisser au hasard, elle les teste seuls ou en cocktail, avec une exposition chronique ou aiguë, etc. Pour les cocktails, elle a choisi de rester proche de la réalité en examinant les combinaisons qui peuvent se trouver dans la nature ou dans l’eau du robinet.

Il y a donc trois types de mélanges : la molécule mère avec ses métabolites (3 ou 4 polluants ensemble), deux molécules mères ensemble (2 polluants ensemble) et un cocktail regroupant tout le monde (7 polluants). L’objectif est d’avoir une base de données la plus complète possible.

N’oublions pas, au début de l’article, nous avons précisé qu’Aurélie Loussouarn travaille avec « des méthodes innovantes » pour réaliser ses expérimentations. Il est temps de briser ce suspens insoutenable. De manière à réduire au strict minimum l’utilisation des animaux de laboratoire, c’est bien sûr avec des modèles in vitro qu’elle travaille.

Fabriquer son propre intestin

Lorsque des chercheur·es utilisent des animaux pour leurs travaux, cela s’appelle travailler sur des modèles in vivo. Au contraire, lorsque des chercheur·es travaillent sur des alternatives, des cultures de lignées cellulaires, cellules primaires, cellules souches (composées d’un seul type cellulaire), ou des organoïdes (composés de plusieurs types cellulaires), souvent appelés « mini-organes », cela s’appelle travailler sur des modèles in vitro. Ainsi, pour réaliser ses différentes expériences, Aurélie Loussouarn a cultivé des barrières de cellules épithéliales intestinales.

Lors de leur fabrication, plusieurs cellules sont déposées dans un milieu aqueux dans une boîte de Petri. Il faut alors entretenir leur développement pour les faire se multiplier jusqu’à ce qu’elles arrivent à confluence et forment une barrière en deux dimensions. La culture cellulaire demande du temps et beaucoup d’entretien, pour développer et maintenir en vie des cellules. Il faut attendre entre 14 et 21 jours pour obtenir une barrière intestinale proche de celle que nous possédons et qui a les mêmes particularités, à savoir entre autres l’étanchéité sélective amenée grâce aux protéines de jonction.

Certaines expériences ne nécessitent pas la constitution de la barrière puisqu’ Aurélie Loussouarn réalise aussi des études sur les cellules faites sur des lignées cellulaires.

D’autres modèles existent et sont développés au laboratoire TENS, comme la culture de mini-intestins.

Oui, vous avez bien lu. Les intestins cultivés ne sont pas exactement des copies conformes des nôtres en revanche, ils sont bel et bien composés de la même manière, avec les mêmes couches de cellules et répliquent les réactions qu’auraient les nôtres ou ceux d’une souris, dans la limite de leur isolement du reste de l’organisme bien sûr.

Fabriquer un organoïde ou entretenir une lignée cellulaire, revient à faire de la culture cellulaire. L’objectif est de reproduire la micro-anatomie d’un organe. Pour ce faire, des cellules-souches pluripotentes humaines sont utilisées pour créer des organoïdes alors que les lignées cellulaires sont issues de cellules cancéreuses ou modifiées. Elles recréent alors à une échelle moindre des aspects de l’anatomie et des fonctions tissulaires de leurs homologues physiologiques.

Ces mini-organes semblent être le modèle d’étude se rapprochant à l’heure actuelle le plus possible du fonctionnement de nos organes, qu’ils soient sains ou pathologiques. Ils permettent de répondre aux problématiques de médecines personnalisées et d’éthiques sur l’utilisation des animaux dans les laboratoires. Or, il n’est pas possible de répliquer tous les organes et toutes les études ne se prêtent malheureusement pas à l’étude in vitro. À ce propos, Johanna Zoppi, dont nous avons présenté la thèse à l’épisode 3 utilise aussi des modèles in vitro pour faire ses manipulations tests permettant de répondre à l’hypothèse générée par la bioinformatique. Et enfin, grâce à eux tout de même, Aurélie Loussouarn pourra découvrir tout ce qui compose notre boisson favorite et ses effets sur notre santé.

C’était le dernier épisode de « Au coeur de notre écosystème ». Rendez-vous  sur notre compte Twitter @mibiogate pour suivre les différentes thèses que vous avez découvertes et n’hésitez pas à parcourir le reste du site MiBioGate pour vous tenir informé·es.

À bientôt pour en apprendre toujours plus sur notre corps, humain et microbien.

Les infos à retenir :

Les différentes molécules organiques contenues dans les sols se dégradent entre autres par l’action des différents organismes l’occupant. Cela s’appelle la métabolisation de molécules initiales conduisant à l’apparition de métabolites. Les herbicides se dégradent ainsi dans les sols pour laisser place à des métabolites, ou molécules filles, qui peuvent se retrouver dans nos verres d’eau et dans l’arrosage de nos cultures. La présence de ces molécules dans l’environnement peut ainsi avoir un impact sur son écosystème à proximité ou à distance.

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Créé le

Quiz épisode 6

Après avoir lu l'épisode, tentez de répondre aux questions ci-dessous pour tester vos connaissances.

1 / 4

1. Qu'est-ce qu'un métabolite ?

2 / 4

2. Que sont les xénobiotiques ?

3 / 4

3. Qu'est-ce qu'un organoïde ?

4 / 4

4. Vrai ou faux, les métabolites présents dans le sol peuvent ne pas avoir d'effet sur notre santé ?

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Illustration réalisée par Julie Borgese