En direct de notre écosystème – Épisode 3

Au cœur de notre écosystème

Dans le précédent épisode de « Au coeur de notre écosystème » :

Vous avez exploré l’intérêt de l’utilisation de la bioinformatique pour étudier les liens entre le cerveau et l’intestin. Aussi, vous avez pu découvrir un outil bioinformatique avec l’exemple de MiBiOmics.

Avant de lire cet article, n’hésitez pas à lire ou relire le premier article de la série.

Épisode 3 : Le rôle des vésicules extracellulaires dans les maladies hépatiques

Comme vous avez pu le lire dans l’article introductif, le microbiote est constitué entre autres de bactéries. Ces dernières sont des organismes vivants unicellulaires et sans noyaux. Des milliards d’entre elles cohabitent avec nous, dans notre intestin. Nous leur rendons service en les nourrissant avec ce que nous mangeons, puis elles produisent certaines molécules indispensables à notre bon fonctionnement, c’est une relation de symbiose.

Les bactéries interagissent également avec l’environnement dans lequel elles vivent. Pour ce faire, elles captent et envoient des molécules, telles des lettres postales. Parfois ce sont des colis que les bactéries envoient. On les appelle des vésicules extracellulaires.

Vésicules extra-cellulaires, kézako ?

Elles présentent une grande diversité de taille : entre 30 nm et 1 μm. En comparaison, une cellule mesure environ 20 μm et un grain de riz 3 à 5 mm donc 3000 à 5000 fois plus grand. Entourées par la membrane plasmique de la bactérie, celles-ci renferment diverses molécules comme des portions de génome ou des protéines. Ces vésicules bactériennes ne restent pas que dans l’environnement dans lequel elles sont produites, elles sont assez petites pour circuler dans notre corps par le biais des fluides de notre organisme (sang, lymphe, urine, etc.). Leurs existence et rôle sont restés assez longtemps dans l’angle-mort de la recherche.

Les scientifiques les considéraient principalement comme transporteurs de déchets cellulaires. Elles se révèlent pourtant être des vecteurs importants d’informations biologiques.

Alexandre Villard a étudié leur enjeu sanitaire grâce à une thèse supervisée par le Dr Ramaroson Andriantsitohaina (UMR1063 SOPAM Inserm et Université d’Angers) et le Dr Jérôme Boursier (EA3859 HIFIH Université d’Angers) dans le cadre des atteintes hépatiques. Son objectif était de mettre en lumière le rôle que tiennent les vésicules extracellulaires bactériennes dans l’aggravation des maladies chroniques hépatiques et notamment dans la maladie du foie gras non alcoolique (NAFLD).

Illustration réalisée par Julie Borgese

Maladies chroniques hépatiques

En étudiant le corps humain, il est nécessaire de prendre en compte dans l’équation un élément important : notre environnement. Citons notre alimentation, notre mode de vie, notre pratique sportive, nos sources de stress, etc. Tous ces facteurs viennent directement impacter la bonne marche de la machinerie qu’est notre corps. Malheureusement, l’environnement dans lequel nous vivons actuellement ne nous facilite pas vraiment la tâche. Entre nos modes de vie sédentaires et notre alimentation riche en sucres et en graisses, des maladies chroniques métaboliques comme l’obésité, ou des syndromes métaboliques peuvent se développer et ont des conséquences sur de nombreuses fonctionnalités du corps humain.

Faisons une petite parenthèse clinique pour définir ce dernier sur la base d’une liste de cinq critères :

  • Un tour de taille élevé
  • Un taux réduit de cholestérol HDL, High Density Lipoproteins (appelé communément bon cholestérol)
  • Un taux élevé de triglycérides (hyper triglycéridémie)
  • Une hypertension artérielle
  • Un taux élevé de glucose à jeun (glycémie)

Un individu est atteint de syndrome métabolique lorsqu’il présente au moins trois des critères de cette liste. La communauté médicale estime qu’environ 25% de la population mondiale en souffre. Il est souvent associé à l’apparition de maladies métaboliques, comme par exemple le diabète de type 2 ou des maladies du foie gras non-alcoolique (NAFLD). Si elles ne sont pas prises en charge à temps, ces dernières peuvent évoluer vers des fifibroses, des cirrhoses voire des cancers hépatiques.

Récemment, plusieurs études ont commencé à explorer le rôle du microbiote intestinal dans l’obésité et le développement du diabète de type 2. Il est désormais envisagé comme un acteur majeur dans le développement d’un syndrome métabolique.

Barrière percée

Souvenez-vous de notre barrière intestinale.

Chez une femme ou un homme en bonne santé, la barrière intestinale contrôle ce qui la traverse. Celle-ci agit comme le portail d’un parking.

Les molécules comme l’eau et les ions, comparées à des piéton·nes peuvent passer de l’intestin à la circulation sanguine sans contrôle, en revanche, des éléments plus gros, tels des antigènes alimentaires ou des bactéries, doivent passer la barrière de contrôle afin de vérifier leur admissibilité dans le sang.

Malheureusement, les effets de maladies métaboliques induisent une porosité accrue de la barrière intestinale, un peu comme une ouverture dans les grillages du parking.

Illustration réalisée par Julie Borgese

Ainsi, des éléments trop gros et qui n’ont pas leur place dans la circulation sanguine, comme par exemple les vésicules extracellulaires citées précédemment, s’y retrouvent. Une fois dans le sang, nos petites déserteuses du microbiote vont circuler dans tout l’organisme. Elles pourront avoir des effets sur les organes qu’elles colonisent, notamment en augmentant l’inflammation.

Les scientifiques ont retrouvé des vésicules extracellulaires bactériennes dans le sang de patient·es atteint·es de syndrome métabolique. Étant capable de se fixer sur les récepteurs de certaines de nos cellules, les scientifiques cherchent à comprendre leurs effets et le lien avec une possible augmentation de l’inflammation.

Axe intestin-foie

La maladie du foie gras non-alcoolique est une maladie chronique qui concernerait plus de 200 000 personnes en France. C’est une accumulation de graisses dans le foie (stéatose) associée à une inflammation de l’organe (hépatite).

Elle n’est pas liée à une consommation excessive d’alcool, et est plus fréquente chez les personnes atteintes d’obésité et/ou de diabète de type 2.

Elle peut évoluer vers une forme plus sévère, inflammatoire, appelée stéatohépatite non alcoolique (NASH) et enfin vers la cirrhose.

Il est important de savoir que le foie et les intestins sont deux organes très liés. En effet, les nutriments issus de la digestion vont passer directement dans le foie par le biais de la veine porte. Vous l’aurez sans doute compris : si la barrière intestinale est altérée, sa perméabilité augmente et les vésicules extracellulaires produites par les bactéries peuvent se retrouver au niveau du foie, qui, lui-même, peut posséder une barrière abîmée. L’action des vésicules extracellulaires sur les cellules hépatiques peuvent avoir des effets bénéfiques, neutres ou néfastes.

Le rôle des vésicules extracellulaires dans l’initiation de la NAFLD et de la NASH reste jusque-là assez mystérieux. Dans ses travaux de thèse, Alexandre Villard cherche à savoir si certaines vésicules extracellulaires pourraient avoir des effets délétères et jouer un rôle important dans l’aggravation de cette maladie hépatique.

Un avenir thérapeutique

La recherche sur les vésicules extracellulaires bactériennes comme vecteur de communication inter-cellulaire n’en est qu’à ses débuts et ouvre la porte à de nouvelles opportunités thérapeutiques. Ces vésicules paraissent avoir un rôle fondamental dans l’apparition de maladies hépatiques associées au syndrome métabolique. Recourir à desmanipulations spécifiques du microbiote des patient·es pour améliorer leur état de santé est une stratégie envisagée pour l’avenir. Une hypothèse de travail serait par exemple d’empêcher ou de ralentir la libération des vésicules extracellulaires bactériennes identifiées comme nocives. Agir sur l’action des vésicules identifiées comme positives grâce à des bactéries probiotiques est également une piste à explorer.

À travers l’étude du microbiote intestinal et plus particulièrement des vésicules extracellulaires bactériennes, la recherche scientifique s’est engagée sur des pistes de compréhension très prometteuses. Et nous suivrons tout ça de près…

La suite dans le prochain épisode de « Au coeur de notre écosystème ».

Les infos à retenir : 

Le microbiote est envisagé comme un acteur majeur dans le développement d’un syndrome métabolique. Les bactéries interagissent avec l’environnement dans lequel elles vivent en captant et envoyant des molécules, les vésicules extracellulaires.

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Quiz épisode 3

Après avoir lu l'épisode, tentez de répondre aux questions ci-dessous pour tester vos connaissances.

1 / 4

1. Vrai ou faux, les membranes externes des vésicules extracellulaires sont les mêmes que les membranes externes des bactéries ?

2 / 4

2. Lequel de ces critères n'entre pas dans la définition clinique du syndrome métabolique ?

3 / 4

3. Quelle est la veine qui relie l'intestin au foie ?

4 / 4

4. Comment communiquent les bactéries ?

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Pour aller plus loin : 

Article en anglais :