Non, vous ne rêvez pas, c’est bien ici que tout commence.
Imaginez, un·e agriculteur·trice traite son champ avec des pesticides pour assurer sa prochaine récolte. Pas de chance, il pleut juste après. L’eau entre alors dans la terre, emportant avec elle tous les éléments épandus, dont les pesticides. Par ruissèlement, le mélange se retrouve dans les cours d’eau et s’infiltre ensuite jusque dans les nappes phréatiques. Régulièrement, l’eau de certaines nappes phréatiques ou rivières est récupérée et filtrée dans une station de traitement, où l’on effectue un grand nombre d’analyses, avant de rejoindre le circuit d’eau potable de nos habitations.
Hélas, les résultats montrent qu’il y a une forte concentration en pesticides dans la majorité des analyses.
Bien que certains pesticides ne soient plus utilisés sur les terres agricoles depuis des années, les analyses de l’eau montrent leur persistance et ce, malgré tous les efforts déployés pour les éliminer des sources nous approvisionnant. Cette eau entre dans le circuit, se retrouve dans nos verres, dans notre douche, dans l’arrosage des cultures, etc. Indubitablement, nous buvons des pesticides.
Comme vous l’avez compris au fil des épisodes précédents, lorsque la barrière intestinale est altérée, un ensemble de molécules supplémentaires peuvent rejoindre les autres organes par le biais de la circulation sanguine.
Les risques sont d’augmenter le niveau d’inflammation et engendrer diverses maladies comme les maladies chroniques. Celles-ci peuvent être plus ou moins graves et invalidantes et représentent 36 millions de décès dans le monde chaque année. Il existe donc un réel enjeu sociétal quant à l’étude de l’origine de ces maladies.
Dans ce contexte, Aurélie Loussouarn fait partie des jeunes chercheur·es qui étudient des facteurs environnementaux aggravants : les xénobiotiques qui sont les molécules étrangères à notre corps.
Vous l’aurez deviné, Aurélie Loussouarn travaille sur les pesticides.
Pour ce faire, elle a commencé par analyser les différents polluants retrouvés dans les eaux de la Loire, en région Pays de la Loire pour en faire ressortir sept.
Pour ce faire, elle a dû mettre en place différents critères de choix, comme leur fréquence de détection, leur concentration ou encore notre capacité à les retirer après captage dans les stations de filtrage.
Rassurez-vous, testés un par un, les pesticides étudiés ne montrent aucun effet délétère sur la barrière intestinale des modèles employés. En revanche, ils peuvent avoir un impact lorsqu’ils sont associés ensemble et c’est sur ce point que continue de travailler Aurélie Loussouarn.
Il est retrouvé dans l’eau non pas une, mais plusieurs traces de pesticides, et on peut identifier plusieurs métabolites issus de ces derniers. Alors que les différents minéraux contenus dans l’eau sont absorbés et indispensables à notre corps, qu’en est-il de ces molécules-là ?
Dans le cadre de sa thèse, Aurélie Loussouarn a dû faire le choix de n’étudier que deux molécules appartenant à la catégorie des herbicides. De ces dernières, elle détecte une partie de leurs métabolites présents dans les sols, au nombre de 5, et observe aussi bien leurs effets toxiques sur les cellules entériques que sur la barrière intestinale.
Afin de ne rien laisser au hasard, elle les teste seuls ou en cocktail, avec une exposition chronique ou aiguë, etc. Pour les cocktails, elle a choisi de rester proche de la réalité en examinant les combinaisons qui peuvent se trouver dans la nature ou dans l’eau du robinet.
Il y a donc trois types de mélanges : la molécule mère avec ses métabolites (3 ou 4 polluants ensemble), deux molécules mères ensemble (2 polluants ensemble) et un cocktail regroupant tout le monde (7 polluants). L’objectif est d’avoir une base de données la plus complète possible.
N’oublions pas, au début de l’article, nous avons précisé qu’Aurélie Loussouarn travaille avec « des méthodes innovantes » pour réaliser ses expérimentations. Il est temps de briser ce suspens insoutenable. De manière à réduire au strict minimum l’utilisation des animaux de laboratoire, c’est bien sûr avec des modèles in vitro qu’elle travaille.
Fabriquer son propre intestin